Le parc national des oiseaux du Djoudj, Sénégal
Durant notre voyage au Sénégal, nous avons eu la chance d’observer l'un des nichoirs à pélicans du parc national des oiseaux du Djoudj ; haut lieu de reproduction pour l'espèce Pelecanus onocrotalus. Situé sur le chemin migratoire des oiseaux en provenance du paléarctique occidental, le parc du Djoudj est l’un des premiers points d’eau situé après le domaine désertique du Sahara. Il englobe une partie du fleuve Sénégal, de nombreux canaux, criques, lacs et zones de savane boisée. D'une superficie de 16'000 hectares, cette enclave sénégalo-mauritanienne est située à 60km au nord de St-Louis et près de 350 espèces y nichent entre novembre et juin afin de se mettre à l’abri du froid européen.
Le parc abriterait entre 6'000 et 10'000 couples de pélicans ainsi que d'importantes colonies de flamands roses (on a vu deux groupes : l'un sur le fleuve Sénégal, l'autre dans ce parc, quel animal exceptionnel...). Inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, ce lieu est considéré comme le troisième plus grand sanctuaire ornithologique du monde avec près de 400 espèces recensées. Ces pélicans chassent en groupe, ils nagent côte à côte en direction de la rive pour refouler les poissons et les capturer. Ils sont équipés d'un grand bec qui surmonte une poche d'une capacité de 13 litres. Cette dernière leur permet de stocker jusqu'à 4 kg de poissons à la fois.
[Dimitri] Ce parc était magnifique ; cependant nous y avons passé très peu de temps. Aussi je demeure sceptique quand à la qualité de la protection de la faune africaine. J'avoue être attristé par certains programmes de ré-introduction visant à transférer des espèces animales dans des réserves, et ce à des fins purement touristiques. De plus la faune africaine a certainement été dévisagée de façon irréversible durant l'ère coloniale. Additionné au réchauffement climatique, aux pesticides et à la politique instable de certains pays, il ne fait pas bon d'être une girafe ou un rhinocéros !
[Lucas] Moyennant quelques francs sénégalais, il est possible de parcourir les canaux de la réserve en pirogue jusqu’à l’impressionnant nichoir des pélicans. Voir ou être vu ? Dans une telle réserve l’humain est l’intrus, la nature a tous ses droits. Le long des rives, non seulement les oiseaux nous observent, mais phacochères, zébus ou encore crocodiles se demandent ce qu’il nous passe par la tête pour oser les déranger ainsi.
C’est un peu moralisateur, je le sais, mais malheureusement on ne le répète jamais assez… Malgré le fait que la réserve soit classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, elle est en danger ! On se pose donc la question, après avoir vu les chiffres concernant l’énorme diversité ornithologique, quoi ou qui peut bien la menacer ? Le braconnage ? Le réchauffement climatique ? Ou encore une surpopulation d’oiseaux ? La plupart des réserves naturelles souffrent de telles problématiques. Cependant un facteur important influence directement le parc de Djoudj : le fleuve Sénégal. Cela change totalement la donne. À l’heure où l’industrialisation progresse sur le continent africain, les entreprises situées le long du fleuve telles que la CSS (Compagnie Sucrière Sénégalaise) nécessitent une grande quantité d’eau.* Elles vont directement se servir dans le fleuve et elles ont construit un barrage temporaire à Kheune, pour prévenir les remontées d’eau salée. Ironie du sort, la difficulté à gérer le barrage a directement perturbé l’afflux d’eau de la réserve, mettant en péril son équilibre ! **
La prolifération de laitues et de fougères d'eau (Typha australis, Pistia stratiodes, Salvinia molesta) est une seconde conséquence négative de la construction du barrage de Diama. En effet, l’assèchement des plaines et des mangroves ont mis en offre les conditions idéales pour leur développement avec le potentiel de doubler leurs zones d’infestation en quatre jours. Cela engendre une mauvaise oxygénation de l’eau et favorise la prolifération des colonies de moustiques et escargots, vecteurs de maladies mortels.
La gestion de l'eau pourrait être considérablement améliorée. Il existe des méthodes d'irrigation par goutteurs de surface ou enterrés ont qui ont déjà été testées au Brésil. Ces systèmes entraînent une baisse de la quantité d'eau utilisée (de 40 à 90 %). S’ils sont bien gérés, ils permettent également l'apport de nutriments sous forme d'engrais liquides ou solubles. Ils nécessitent par contre une bonne maîtrise technologique, et l’expérience nous a montré que ce n’était pas dans les cordes de chacun.
*Notez une production de 150 000 tonnes de sucre par année sur 9 000 hectares de culture. La canne à sucre nécessite entre 13-15 000 mètres cubes d’eau pour un hectare de culture annuelle.
**1980 assèchement (assèchement) des canaux du Djoudj puis en 1985 la catastrophe inverse, une crue qui a menacé la destruction des nids de pélicans !
Texte & photos : Lucas Orsini & Dimitri Känel