Edentulina martensi/obesa
(Cameroon, Kotto-Barombi) Découvertes par Taylor en 1877 et Smith en 1882.
Les spécimens maintenus ont été prélevé aux abords du lac de Kotto-Barombi au Cameroon et importés en Angleterre, puis envoyés chez nous en Suisse (Merci à Martin French). Le genre Edentulina fait partie de la famille des Streptaxidae (J. Gray, 1860) qui serait apparue avant la fragmentation du Gondwanaland, période précèdent le Jurassique (-160 millions d'années). Il faut également relever qu'en 2015, 66 espèces de cette famille sont listées dans l'IUCN Red List. Mais ce chiffre est très peu représentatif vu qu'une bonne partie de ces escargots n'ont pas encore de taxon reconnu et que les listes ne sont de loin pas exhaustives. Les Streptaxidae sont très particuliers dans le monde des gastéropodes [Gastropoda (Cuvier, 1797)], en effet ce sont de redoutables chasseurs carnivores arboricoles, plus rarement terrestres. Encore plus étonnant, ils ne sont pas cannibales (sauf rares exceptions bien sûr) mais se nourrissent exclusivement d'escargots d'autres espèces. Ils peuvent néanmoins aussi se nourrir de végétaux pour subsister.
Prédation :
La vue des Streptaxidae est très mauvaise, ce sont des escargots essentiellement nocturnes. En contrepartie, ils ont des organes olfactifs extrêmement développés, ce qui leur permet de chasser leurs proies. Sur des courtes distances ; ils n'ont aucune peine à repérer des escargots qui pourraient servir de repas potentiel. Sur de plus longues distances, il leur est possible de pister un escargot en suivant le mucus déposé par celui-ci. Il semblerait que la nature ait donné (entre autres) à cette famille de mollusques le pouvoir de régulation naturelle sur les autres escargots, ce qui permet d'éviter la prolifération de certaines espèces que l'on qualifie d'« invasives » lorsque celles-ci ne sont plus en présence de prédateurs et donc plus auto-régulées.
Morphologie et procédé d'attaque :
Revenons à l'Edentulina obesa/martensi, une espèce acquise en 2015. Vous remarquerez que le nom de l'espèce n'a pas encore pu être déterminé avec précision, mais nous nous fions au pronostique de l'importateur qui était sur le terrain. Cette espèce a une magnifique coquille verte fluo avec des teintes plus ou moins jaunes par endroits. La pigmentation de la coquille n'est présente que lorsque l'escargot l'habite, une fois l'hôte mort, celle-ci devient blanche et transparente par endroits (calcaire), jusque là, peu de différences avec un escargot dit "classique". Le pied et le corps sont entièrement jaunes, un léger dégradé vers le noir forme une bande sur le dessus de la tête.
Nous avons été très surpris la première fois que nous avons vu une prédation d'Edentulina obesa/martensi, même si l'attaque n'est certes pas fulgurante et instantanée. Lorsque qu'une proie est repérée le streptaxide se dirige vers elle et prend appuie sur l'arrière de son pied pour pénétrer à l'intérieur de la coquille de la cible. Le procédé est minutieux car si l'attaque a lieu en hauteur, l'escargot cible peut facilement se laisser tomber en retournant dans sa coquille. En entrant dans l'enveloppe, le mollusque carnivore maintient sa proie dans les airs et peut la déguster sans contraintes. Dès que le streptaxide commence à manger sa proie en la grignotant petit à petit, l'escargot capturé produit une grande quantité de mucus défensif ce qui provoque une sorte d’effervescence et fait couler une mousse de mucus remplie de bulles d'air le long des coquilles des escargots qui semblent alors fusionner.
Maintien et nourriture :
Le maintien de cet escargot nécessite un entretien régulier afin d'éviter la prolifération de petits animaux parasites, de plus, les milieux humides nécessitent une grande précaution dans le choix des décors, des substrats et des plantes à mettre dans le terrarium. Il faudra régulièrement enlever les coquilles des escargots qui ont été mangé. Même si la coquille est souvent toute propre et totalement vidée après le passage de l'Edentulina, des populations d'acariens peuvent voir le jour dans les coquilles qui traînent ou dans les excréments. Il faut également avoir un stock ou un élevage d'escargots à donner comme nourriture et ne pas oublier de prévoir une réserve pour l'hiver suivant la région dans laquelle vous habitez. Les escargots carnivores peuvent manger plusieurs escargots par semaine, le mieux et d'en avoir constamment dans le terrarium et en rajouter quelques-uns chaque semaine. L'Edentulina obesa/martensi peut se nourrir de beaucoup d'espèces d'escargots mais semble particulièrement apprécier les escargots des bois : Cepaea nemoralis (Linnaeus, 1758) que nous allons chercher en forêt, nous donnons aussi des escargot de jardin : Cepaea hortensis (O.F. Müller, 1774) qui conviennent parfaitement. Il semblerait qu'il est également possible de donner des limaces mais elles suscitent bien moins d'intérêt chez nos Edentulinae. En cas de rupture de stock, il est possible de donner de la patate douce [Ipomoea batatas ((L.) Lam.,1793)] ou de la salade saupoudrée de flocons de nourriture pour poissons. Les escargots qui sont donné doivent faire la même taille que vos Edentulina, donc si vous avez des jeunes, il vous faudra trouver des petits escargot comme Oxychilus alliarius (J.S. Miller, 1822) qui sont aussi très appréciés.
Taxonomie :
Embranchement : Mollusca
Classe : Gastropoda
Ordre : Stylommatophora
Famille : Streptaxidae
Genre : Edentulina
Espèce : obesa, martensi
Découverte d'une fluorescence chez l'Edentulina obesa/martensi :
Un jour, alors que j'essayais plusieurs techniques pour vider proprement une coquille d'un Edentulina mort, j'ai fait une surprenante découverte. Lorsque j'ai plongé l'escargot dans de l'eau bouillante, un fluide fluorescent vert s'est échappé de la coquille et a coloré la bassine d'eau. La réaction peut être parfaitement comparée à l'immersion de cristaux de fluorescéine (C20H10Na2O5, Adolf von Baeyer en 1871) dans de l'eau. J'ai immédiatement prélevé des échantillons et continué à verser de l'eau bouillante sur l'escargot mais dans une plus petite bassine cette fois, afin d'obtenir un liquide fluorescent concentré. J'ai ensuite exposé les échantillons à des UV-A (tube « Black Light ») ce qui m'a confirmé la fluorescence qui était bleu avec l'éclairage, sûrement une variation de longueur d'onde dû à la puissance de l'émission des rayons UV-A. Je précise bien sûr que le phénomène n'est encore de loin pas compris mais que je fais toujours des recherches et des expériences. Cette fiche sera mise à jour régulièrement. J'ai remarqué par exemple que la fluorescence d'un corps d'Edentulina vivant était très faible mais peut être mise en évidence en prenant une photo avec une très longue durée de vitesse d'obturation. Mais la technique est passablement limitée vu que pour permettre d'observer les pigments fluorescents il faut absolument avoir un éclairage UV-A « Black Light ». Et comme les éclairages que l'ont peut trouver dans le commerce sont en fait des tubes fluorescents avec un revêtement qui filtre partiellement la lumière pour mettre en évidence les longueurs d'ondes souhaitées. Les photos deviennent rapidement faussées par l'éclairage qui n'est pas pur en UV-A, il faut donc avoir une vitesse d'obturation qui ne dépassent pas les 30 secondes. En faisant des recherches sur la fluorescence chez les mollusques, j'ai trouvé beaucoup de documents intéressants sur des phénomènes de bioluminescence comme par exemple cette étude de Dimitri D. Deheyn et Nerida G. Wilson : « Bioluminescent signals spatially amplified by wavelength-specific diffusion through the shell of a marine snail » ou encore l'étude sur les Dyakia striata (Gray, 1834) : « Fluorescent Substance in the Luminous Land Snail, Dyakia striata »
Terrarium :
Quelques mots sur la conception d'un habitat en captivité. Compte tenu du haut taux d'humidité quasi permanent que requiert l'espèce, il faut avoir terrarium bien aéré avec un ensoleillement naturel couplé d'une ampoule LED à raison de 8 heure par jour. Le sol du terrarium doit être acide et riche en nutriments pour permettre le bon développement des jeunes et envisager une reproduction. Le sol autour du Lac de Kotto-Barombi est principalement composé de roches volcaniques avec un certain taux d'acidité, il convient de reproduire cette acidité. L'humus de coco est certes acide mais pas assez nutritif, il est donc possible d'acheter de la poudre de roche (basalte) en grande surface au rayon jardinage. Cette poudre volcanique est extrêmement riche en silice (42% environ) qui contribue en grande partie à l'acidification des sols. Il suffit de mélanger la poudre avec de l'humus de coco pour optimiser son substrat.
Quelques photos concernant la fluorescence :
Une lutte biologique désastreuse à Hawaï :
En 1967, le célèbre escargot géant Achatina fulica (Férussac, 1821) originaire d'Afrique orientale et très réputé en terrariophilie a été volontairement introduit dans les îles d'Hawai pour sa consommation en milieu culinaire. Il s'est rapidement avéré que les conditions des îles d'Hawaï était parfaite pour cette espèce étrangère dont la population a grandit de façon exponentielle. Cette prolifération a causée la destruction de nombreuses cultures maraîchère et vivrières durant le courant des années 70 et la population locale a commencé à s’inquiéter. C'est alors que le Service de l'Économie Rurale a pris la décision d'introduire une autre espèce d'escargot carnivore en 1974, l'euglandine (Euglandina rosea, Férussac, 1818), afin de réguler la prolifération des escargots géants d’Afrique.
L'Euglandina r. est un mollusque qui se nourrit d'une large palette d'autres espèces d'escargots. Les autorités pensaient ainsi éradiquer les Achatina fulica mais ce fût en réalité un cuisant échec. L'euglandine est une espèce bien plus petite que les escargots géants d'Afrique qui font jusqu'à 15 [cm] à l'âge adulte et elle ne manifeste de l’intérêt que pour les escargots de sa taille ou plus petits. L'euglandine s'est donc directement attaquée aux espèces locales dont certaines étaient endémiques. L'Euglandina rosea aurait ainsi causé l'extinction de plus de 7 espèces d'escargots endémiques et continue de sérieusement menacer les quelques 200+ espèces d'escargot restantes. Achatina fulica et Euglandina rosea se développent ainsi et ravagent les îles de l'archipel. Comme si cela ne suffisait pas, les autorités tentent actuellement d'exterminer ces deux espèces importées malgré elles, avec des pesticides peu recommandables. Des récentes études montrent que l'euglandine est aussi vectrice de maladies, tous ces épisodes dramatiques ont rendus cette espèce d'escargot tristement célèbre.
On peut se poser des questions sur le rôle de l'homme dans l'équilibre écologique naturel et également remettre en doute la façon dont il veut contrôler les écosystèmes. Une telle perturbation biologique détruit en une cinquantaine d'année des biotopes qui ont mis plus de 500 millions d'années à se mettre en place. Cela justifie l'importance de laisser les animaux où ils sont pour ne pas risquer de briser des chaînes alimentaires qui résultent d'une alchimie évolutive complexe.
Si vous êtes désireux d'en apprendre un peu plus sur le sujet je vous conseille vivement l'étude du statut des partulidés (principales victimes du ravage en Polynésie française). Elle a été très bien écrite par le chercheur Dr. Jean-Yves Meyer, également membre du PISLG (UICN). PDF téléchargeable ici.
2015 © Dimitri Känel
Sources :
Observations Jeunescientifiques : www.jeunescientifiques.com
Catalogue of life : http://www.catalogueoflife.org/